Lorsque l’on décide de s’engager dans l’art du comédien l’une des premières découvertes est l’importance de la préparation. Trouver cet équilibre de détente, énergie, concentration et lâcher prise ressemble parfois à une équation impossible. Et pourtant, parvenir à ce cercle à 4 côtés représente un Graal dont la quête peut risquer de devenir une finalité en soi. Erreur.
Parvenir à se mettre dans les bonnes conditions, dans le bon état d’esprit avant de jouer peut sembler si difficile pour un comédien balbutiant que cette recherche prend parfois le dessus sur les problématiques du projet ou de la scène. Et pourtant cette préparation ne devrait être que la base sur laquelle construire réellement le travail. Cette étape chez le comédien ne correspond ni plus ni moins qu’à celle du guitariste accordant sa guitare et s’assurant de son bon « fonctionnement » ou du peintre qui va préparer sa toile en lui appliquant parfois de premières couches de peinture. Et alors que le véritable travail devrait pouvoir commencer, certains comédiens pensent avoir fait le plus gros du job en se réfugiant derrière un convaincu « bon ben maintenant je n’ai plus qu’à être naturel ».
2 cas de figure peuvent se présenter :
- Le comédien s’est « usé à se préparer » et ne parviendra donc jamais à son conditionnement idéal pour jouer puisque au mieux il lui manquera tout de même l’énergie. Je vous assure avoir déjà vu des comédiens être à moitié en transe ou plutôt « s’agacer de ne pas réussir à être à moitié en transe » dans un couloir avant de jouer (bon en tout cas je me suis déjà vu moi le faire… bim dans ma gueule ! celle là c’était gratuit). Typiquement, cela revient au même qu’un footballeur qui aurait joué le match dans sa tête toute la nuit mais que le jour j et bien il n’a pas la même intensité dans son jeu que celle avec laquelle il s’était pourtant préparer. Ce n’est pas en coulisse qu’il faut jouer ! Attention à ne pas se flinguer et à ne pas « jouer avant d’avoir joué »
- Le comédien fait une excellente préparation, se retrouve dans un conditionnement idéal et à partir de là va se contenter d’être naturel (comme appris pendant ses cours de face caméra… sarcasme), pensant avoir fait le plus dur. Je crois éventuellement qu’il est bon pour la confiance en soi d’un comédien, dans sa progression, qu’il puisse une fois de temps à autre se « contenter » d’être naturel une fois la préparation terminée. Celà lui permet de jouer sans trop se forcer et de se dire que même en ne faisant pas grand-chose, avec une bonne préparation, le résultat sera au minimum juste. Je me souviens l’avoir fait sur quelques projets. Celà revient à se reposer sur ses lauriers. Et là je dis attention à ne pas tomber dans cette facilité.
Trouver ce bon conditionnement n’est que le minimum du boulot. l’essence réelle du travail doit avoir lieu en amont : dans l’étude de la scène et du personnage, dans l’acte de création du personnage , dans la recherche de concordance entre mon univers et celui du projet… Mais aussi et surtout le travail a lieu pendant la scène elle-même en allant continuellement chercher l’énergie, en s’assurant de son écoute vis à vis de ses partenaires, en restant vigilant et en modulant son jeu selon qu’il dérive dans la force ou le « hors-sujet », en pensant à son placement, à son élocution, à sa spontanéité, à la part de création improvisée qu’on souhaite laisser, etc… Tout cela dans un naturel absolu et une discrétion totale vis à vis du public qui ne doit pas un instant avoir conscience de tout ce travail.
La préparation est une étape primordiale et qui peut s’avérer parfois difficile. Aussi, trop de comédiens se contentent de penser que le plus compliqué est d’atteindre le conditionnement auquel doit mener cette préparation et qu’ensuite il n’y a plus qu’à se « laisser rouler ». Non, ce serait trop facile. Le travail a lieu autour de la préparation et non pendant celle-ci et c’est pourquoi il est important que chacun se jauge, « s’expérimente », s’essaie à diverses techniques pour trouver leur « routine » préparatoire, trouver celle qui les mènera le plus rapidement possible à être disponible intérieurement pour le reste du travail. Car si une bonne préparation peut mettre le comédien dans un état de disponibilité parfois « magique », proche du « flottement » apportant un sentiment de détente, de confiance en soi etc.., il ne faut pas oublier que mise à part pour le comédien, ce petit confort / bonheur intérieur auquel il aboutit n’intéresse personne. La préparation est un travail pour soi plus que pour le projet artistique. Chacun doit être vigilant à savoir pour « quoi » il joue : pour lui ou pour une pièce / un film ? La préparation est une étape très importante, mais n’est en rien une finalité. Ne vous gargarisez pas d’avoir atteint un état émotionnel ou de disponibilité mentale élevés pendant votre préparation. Ne vous gargarisez pas d’avoir su créer votre cercle a 4 côtes, c’est bien, c’est difficile, mais c’est loin d’être suffisant. La préparation n’est qu’un moyen de nous aider à pouvoir aller plus loin et à se « dépouiller » dans le travail qui suivra. C’est dire comme il faut avoir de la passion pour trouver le fuel nécessaire à tant d’efforts !
Mais… me direz-vous… si c’est assumé, chacun a le droit de se reposer aussi sur ses lauriers si il le souhaite ! (Faites gaffe quand même c’est pas toujours des lauriers)