Je souhaitais proposer un article en rapport au festival de Cannes auquel je me suis rendu pour présenter divers projets (cf laforgedeshistrions.fr). Mais je me suis dis que le festival de Cannes c’était davantage lié au business qu’à l’art du comédien, et ça n’est pas ce qui intéresse ce blog, donc on laisse tomber ! Youpi !
Finalement, et comme souvent, c’est suite à un cours de chant que j’ai souhaité faire un parallèle entre ce que je venais d’apprendre et mon activité de comédien.
Tandis que je me fatiguais à essayer de faire sonner correctement une note un peu haute, mon professeur du jour me fit remarquer que ce qui importait n’était pas de travailler cette note seule mais bien le mouvement des notes précédentes qui mène à celle-ci.
Entre parenthèses mon professeur du jour était Emmanuel Suarez (dans le cadre des ateliers Musidrama), et pour terminer cet instant promo, sachez que, tandis que j’écris cet article, j’écoute la fiction audio de France-Culture « L’incroyable expédition de Corentin Tréguier au Congo » conçue et écrite par Emmanuel (en plus de jouer dedans). Avec des écouteurs (pour mieux saisir la spatialisation du son), c’est très sympa. En plus le héros est un breton donc forcément moi j’aime bien. Je dois avouer que j’ai toujours été attiré par ces fictions radio, si un jour une opportunité m’est proposée de m’y coller, je le ferais avec grand plaisir ! Toutes expériences qui peut m’enrichir comme comédien (donc à peu près tout ce qui existe dans la vie), je prends ! Petit bémol: Pas évident de suivre l’histoire et d’écrire l’article en même temps. J’ai tendance à me disperser voyez-vous… il vaut peut être mieux garder le podcast pour le soir, pour se coucher, comme une belle histoire. Ceci étant, je suis en train de me dire qu’écouter ce podcast + écrire cet article m’apprend à travailler ma pensée disruptive… mais reviens donc à tes moutons de diou !! Oui, pardon !
Travailler le mouvement
Alors donc : l’idée que mon professeur me faisait passer est que ce qui compte n’est pas une note seule. Travailler une note seule n’a pas d’intérêt. Une note seule ça ne raconte aucune histoire. Une note se travaille dans l’enchaînement des notes précédentes, un peu comme un comédien va travailler une scène dans le prolongement des scènes précédentes et dans la contextualisation de l’histoire. Non seulement cette façon de travailler est plus cohérente mais celà facilite le passage de la note difficile car elle est bordée par ce qu’il y a avant… et également par ce qui vient après. Au final, j’assimile celà à l’importance du mouvement. Tout se joue dans le mouvement et non dans une note statique, esseulée. même si un silence l’entoure, il y a un rythme, une mélodie qui nous fait passer par ces silences, puis la note, puis à nouveau un silence, ou pas… bref le mouvement !
Dans le jeu c’est également ce qui compte, pas seulement le mouvement d’une scène par rapport aux autres, mais bien au sein même d’une scène, au niveau des états émotionnels. Un état émotionnel seul, n’a aucun sens. C’est le mouvement des états émotionnels et le passage des uns aux autres qui marquent un intérêt véritable et qui, là encore, en rendent le travail plus facile.
Pleurer de désespoir ou bouillir de rage comme ça, ponctuellement, ça ne rime pas à grand chose. Pourtant, c’est souvent sur ces passages présentés comme « intenses » que le néophyte va s’épuiser à répéter. Un peu comme je pourrais me casser la voix à faire cette unique note haute. Travailler de cette façon risque non seulement de vous épuiser et de vous faire perdre confiance, car vous ne retiendrez que toutes les fois où vous échouez, mais surtout, ça vous fait mettre une importance sur un élément qui en réalité n’en a pas plus que les autres. Ce qui en ressortira lors de la représentation est une rupture incohérente entre cette note / cet état émotionnel et le reste de l’histoire.
C’est le mouvement des états précédents qui vous aidera à gravir comme un escalier cet état un peu plus « intense » que les autres. Mais attention à ne pas considérer que cet état soit la dernière marche de l’escalier. Non ! C’est juste une marche égale aux autres avec d’autres marches avant et d’autres marches après. Ne vous arrêtez pas sur cette marche de colère intense ou de désespoir profond, le mouvement doit continuer ! Ne perdez pas le rythme ! Ou plutôt ne perdez pas la cohérence de l’histoire !
Comme les silences en musique, un état émotionnel plus « posé » fait partie du mouvement. Ce qui compte n’est pas l’euphorie seule ou la panique soudaine mais bien le passage « calme – joie – euphorie – retour au calme – repos total – doute – crainte – calme – panique soudaine – colère – doute -désespoir … ».
Passer de la décomposition technique à la continuité naturelle
Le mouvement ! Ici je mets l’emphase sur les états émotionnels mais celà marche également d’un point de vue plus technique sur les dialogues. Les mots seuls ont peu d’intérêt. C’est dans l’enchaînement de chacun des mots avec les précédents et les suivants que tout prend un sens. Le silence qui précède ou suit un mot est d’égal importance au mot lui-même. Bien sûr au moment du jeu il est hors de question de penser à toute cette décomposition « technique », puisque justement cette décomposition technique ne doit pas être pensée en tant que telle mais au contraire doit être pensée comme une « continuité naturelle ». Faire de la décomposition technique une continuité naturelle. J’aime ce concept.
Tout réside dans l’énergie du mouvement, dans l’enchaînement des choses, dans l’histoire. Ne vous retournez pas le bide, l’esprit et la voix si vous n’arrivez pas à chanter ce putain de la# ou si vous ne parvenez pas à sortir dans une colère noire 7 larmes et demi dont 3 de l’œil gauche. En revanche, assurez vous de connaitre la cohérence et le pourquoi du chemin que vous souhaitez prendre. Partez au bon point de départ, checkez toutes les bonnes étapes, dites vous qu’elles sont toutes aussi importantes les une que les autres car l’histoire a besoin de chacune de ces étapes. Dédramatisez les étapes qui vous semblent « compliquées ». En réalité, elles ont la même valeur que les autres et perdent tout leur sens si elles sont travaillées en dehors des autres. Travaillez le chemin ! Travaillez dans l’énergie du mouvement !
J’en suis rendu à l’épisode 4 : Une belle caravane !
Bon weekend à tous !