Presque deux ans sans rédaction d’article !
Voici bientôt 2 ans que je n’ai pas rédigé d’article. Ca me semble une éternité. Tout était bien différent alors, hum… Enfin bref.
Ce n’est pas le manque de sujets qui ont mis un frein à ma baisse de production, j’aurai toujours tant à dire, c’est simplement un besoin moins pressant de le faire. J’adore ce blog, mais sa priorité tend à fluctuer en fonction des autres projets, or, il en est de nombreux autres qu’il me faut créer et sur lesquels je passe du temps. A commencer par le livre Musotio – A la recherche de l’intimité de mon art, que j’ai terminé d’écrire. Je réfléchis au meilleur moyen de l’éditer désormais. Le petit document vidéo ci-dessous vous en dira plus en 5mn.
Je pense que j’ai mis beaucoup de moi dans ce livre, beaucoup de mes réflexions et ainsi donc, comme par un effet de vases communicants, j’ai perdu un peu d’appétence à écrire ici. Ca reviendra.
Bref, aujourd’hui me voilà. Je souhaitais faire une rapide métaphore qui m’est venue tandis que, dans le cadre d’un projet d’acting un peu particulier, j’ai eu le plaisir de faire une petite session de coaching avec Ariane Schrack l’été dernier. A la sortie de cette séance, orientée sur la malléabilité émotionnelle, deux pensées en forme d’allégories me sont venues.
Tsunami émotionnel à canaliser
Tout d’abord, il me semble que dans le cadre du jeu, mon fonctionnement émotionnel a une tendance naturelle à être de l’ordre du « submergement ». J’ai parfois la sensation que mes montées émotionnelles sont à l’image d’un tsunami. Ca arrive d’un coup, c’est dense, presque incontrôlable et ça submerge tout. Ca prend le dessus sur tout. Sur le texte, sur l’écoute, sur la mise en scène, etc… J’exagère quelque peu, en réalité, je me laisse rarement complétement déborder, mais disons que MA vague d’émotion naturelle ressemble plus à un tsunami qu’à une petite houle, et pour sûr, devoir la contrôler me demande BEAUCOUP d’énergie et bouffe une grande partie de mon endurance.
Or, lors de cette séance de coaching, le travail émotionnel aurait pu, apriori, m’inquiéter car pendant près de deux heures, l’idée était de gérer un panel d’émotions de façon continue passant d’un état à un autre presque sans discontinuité tout en répétant un texte. C’est donc comme si il me fallait transférer l’énergie « dévastatrice » et la densité de mon tsunami émotionnel naturel en un ensemble de petites vagues, des vaguelettes plus ou moins grosses, qui viennent tranquillement terminer leur course sur la côte avec une réelle régularité tout en passant d’une émotion à une autre. Bref, ce fût un gros travail d’endurance, un mix de régularité et d’authentique intensité.
Dans mon quotidien, je réalise peu, et c’est une erreur, ce type de travail dans la durée par moi-même, et j’ai donc été plutôt agréablement surpris de m’en tirer à si bon compte. Je suppose que sans m’en rendre compte le travail et l’expérience acquis sur les plateaux de tournage m’ont fait progresser sur divers points dont celui-ci : « l’endurance intensive ». (Oui, j’aime bien faire des associations peu intuitives de noms et d’adjectifs. Sans doute car l’art du jeu est rempli d’équilibres et de paradoxes : confiance/humilité, détente/concentration, etc… )
Etre le cavalier de son émotion
Une seconde image plus parlante encore m’est venue. J’ai longtemps fait de l’équitation et les sensations d’être sur sa monture ressemblent à celle du contrôle émotionnel dans le cadre du jeu d’acteur.
A cheval, quand bien même vous avancez d’une allure lente, au pas ou au petit trot, il faut sentir la puissance et l’énergie contenues sous le cheval. Le cavalier maîtrise cette énergie et avance au pas lent avec son cheval mais, sur la moindre demande du cavalier, le pas ou le trot peuvent s’accélérer fortement, le galop peut même être lancé dans la seconde. De même, en jeu, il faut « monter » son émotion avec maîtrise. Même à travers une émotion calme, le comédien doit sentir qu’il lui suffirait d’un claquement de doigt pour passer la vitesse supérieure.
Cependant cela doit se faire dans le calme. Le spectateur ne doit pas sentir cette accélération possible. Il n’y a rien de pire qu’un calme dont la nervosité se voit (à moins que ce ne soit une direction de jeu bien sûr). Ce serait comme un cheval plus ou moins au pas, mais piaffant sur lui-même, les veines gonflées et prêt à exploser. Du coup, dans ce cas, tout comme le cheval n’est pas « vraiment » au pas, le comédien lui n’est pas « vraiment » au calme, et ça se voit. Surtout, le risque est que derrière rien ne soit maitrisé en montant dans l’intensité émotionnelle. Non, il faut vraiment trouver le calme, se dire que même en relâchant les rênes, le cheval continuera son pas, tranquille, sans s’emballer. En revanche, au moindre besoin, hop, une infime pression du talon le fera démarrer « proprement ».
Et puis, quand tout cela est maitrisé, alors on peut passer au galop et se faire plaisir. Mais avant de tout lâcher et de te retrouver le cul par terre, assure toi de maîtriser le galop de ton cheval, assure toi qu’il ne va pas te péter une durite et te faire valser à pleine balle. La chute pourrait être douloureuse. A moins que ce ne soit une direction de jeu, assure-toi de maitriser la tempête de ta colère, de ta tristesse, ou autre, si tu dois la lancer. Bien sûr parfois juste se tester dans le cadre d’un exercice, sans rien contenir, est bon pour apprendre à connaître sa « monture », mais attention, viens un moment où il faut savoir tenir son cheval, et savoir où l’on va, même dans un galop intense.
Enfin, lorsque tu sais que tu maîtrises totalement ta monture, et surtout lorsque tu lui fais entièrement confiance et que la scène te le permet, alors oui, à ce moment-là n’hésite pas, même au grand galop, à relâcher les rênes, à laisser ton cheval totalement libre, à permettre à ton émotion de faire ce qu’elle veut. Tu sais que tu ne tomberas pas, que tu as confiance en ta monture. Tu es sur la plage, cheveux au vent, au grand galop, les bras en l’air et tu profites de l’intensité du moment en toute confiance. Le plaisir à retirer de ce sentiment de liberté est vraiment jouissif. Tu es dans une maîtrise totalement relâchée, tu sais que tu peux tout contrôler mais tu décides de ne rien contrôler. Le sentiment de liberté est alors incroyable.
J’avais un cheval dans le temps, je lui faisais confiance à lui autant qu’à mes propres capacités de cavalier et souvent je me suis permis de tout relâcher sans la moindre crainte, à pleine balle, à travers champs. C’est ce que je veux retrouver en tant que comédien.
Lors de ma séance de coaching avec Ariane, je ne suis jamais passé au grand galop, en revanche en restant tout de même dans une allure assez vive j’ai pu me permettre de desserrer les rênes, en confiance, et profiter un peu de ma monture émotionnelle. C’était plutôt agréable.
A bientôt !