« Le trac ça vient avec le talent ». Que cette formule soit passée par la bouche de Sarah Bernhardt ou de Louis Jouvet (dont le talent et le travail m’inspirent beaucoup; il me faudra vous parler un jour de son livre le comédien désincarné que j’évoque déjà rapidement dans cet article), je crois que c’est surtout une « belle parole », un bon mot qui prête à sourire et aide les comédiens à se rassurer mais derrière le « romantisme » de cette formule je ne vois guère de fondement qui l’a corrobore réellement.
En réalité le trac est affaire de chacun, chacun y est plus ou moins sensible. Tu peux être talentueux ou non et avoir le trac ou non.
Je dois avouer que la façon dont il se manifeste chez moi me laisse perplexe. Je n’y suis pas sujet de façon démesurée , les plus asticoteurs d’entre vous iront dire que c’est pour ça que je ne crois pas en la formule du début, c’est pas le sujet…enfin si un peu quand même mais bref… de façon générale, je sais que c’est un plus gros problème pour d’autres que pour moi.
Enfin, c’est ce que je pensais. En réalité, depuis que je travaille le chant, je suis obligé d’admettre avoir une part de fragilité clairement liée à un trac qui me limite forcément dans mon plaisir, ma lucidité, ma détente et donc dans ma « création » de jeu ou de chant (et pourtant je vous assure que le talent de chanteur je ne le sens pas encore venir). J’ai alors cherché à me demander pour quelles raisons ce trac que je n’ai pas en tant que comédien et bien je l’ai dans mon travail du chant.
Est ce simplement lié à une différence de confiance en moi dans l’une de ces activités par rapport à l’autre ? Dans l’absolu ça doit jouer en partie, mais cette réponse ne me semble pas suffisante. Alors en fouillant davantage dans mon comportement je me suis aperçu de quelque chose d’autre : En réalité que ce soit pour le jeu ou pour le chant il s’avère que j’ai bien plus de trac lors de mes sessions de travail avec un formateur (ainsi que pour les auditions je dois dire) que lors des représentations officielles. Ca pourrait sembler surprenant… mais je pense avoir quelques clefs de réponse :
Lors de mon travail je suis clairement encore dans une état d’esprit de devoir prouver des choses, de vouloir montrer ce dont je suis capable, même si l’audience présente ne se compose que d’un enseignant, un collègue, un metteur en scène (me concernant je parle principalement du chant ici). Ce qui est également le cas en audition (et là je parle aussi du jeu sur des « grosses » auditions). Généralement lorsqu’on veut prouver des choses, la pression se positionne en première ligne et si on est un peu fragile sur le travail en cours le trac suit facilement.
En revanche, lors d’un spectacle, l’état d’esprit « The show must go on » prend totalement le dessus. Je ne suis plus dans l’envie de prouver mais d’offrir un divertissement au public. J’ai confiance dans le travail effectué et mon seul objectif est de venir déposer l’ensemble du travail effectué au pied du public, sans regret, confiant dans la chose créée. Je me sens moins dans une envie de prouver des choses que de tout simplement livrer le spectacle.
Un autre élément pouvant être lié au trac m’est venu à l’esprit en étudiant ma façon d’aborder les représentations. Dans le cadre d’un spectacle je prend le temps dont j’ai besoin pour me préparer, me concentrer, pour entrer dans le personnage. Et une fois que le personnage est présent, le trac lui disparaît (logique puisque après tout le personnage, lui, n’est pas en représentation). En revanche, que ce soit en audition ou bien dans le travail devant une « simple » audience de collègues comédiens, chanteurs ou formateurs, je ne prends pas toujours ce temps de préparation. Bien qu’avec l’expérience, cette préparation se fasse très rapidement, je ne m’offre pas toujours la disponibilité de le faire totalement. Pour quelles raisons ? Soit je n’y pense pas, soit je veux me tester volontairement sur du « one shot » sans prise de tête, ou bien encore le plus cruel : je veux me la jouer « j’y vais facile » pour surtout montrer que je gère mon trac devant les autres; ceci évidemment conduit à l’effet inverse si le travail est encore en construction.
Rigolez pas vous avez déjà eu cette tête ! |
J’aurai d’autres paramètres à découvrir sur la manifestation du trac chez moi. Mais les trois principales choses que je souhaite mettre en avant via cet article sont les suivantes :
- Quelque soit votre rapport au trac, le travail est l’un des meilleurs outils pour aider à le diminuer. Le travail effectué antérieurement aide à positionner des repères stables le jour-j sur lesquels s’appuyer avec confiance.
- La préparation intérieure, si elle est correctement réalisée (le résultat ne doit pas non plus être un enfermement dans sa concentration, je vous invite d’ailleurs à relire cet article qui met en parallèle la concentration et l’attention ) vous place dans l’état d’esprit de la scène et du personnage, et forcément, celà vous met dans une « condition supérieure » à celle du simple petit comédien en train de stresser. Parfois, vous penser y aller les doigts dans le nez mais bim ! en fait, une fois sur scène, vous vous rendez-compte que vous avez peut être été un poil présomptueux sur votre coolitude, dommage, trop tard…
- Il est important d’essayer de connaitre ses propres fonctionnements, de ne pas s’auto-censurer pour trouver des pistes d’amélioration de votre travail de comédien. TOUTE expérience est constructive. Le trac n’est pas une fatalité, le manque de talent non plus (étymologiquement cette sentence ne veut rien dire je vous l’accorde).
Un petit bonus : Dans le cadre de mon travail voici un petit quelque chose que je fais facilement et qui m’apporte beaucoup. Je me visualise mentalement en train de jouer ma scène dans le contexte dans lequel je vais être en représentation : soit je m’imagine sur la scène du théâtre sur laquelle je vais me produire, soit dans le décor du film à venir, soit dans une salle d’audition face à un directeur de casting… Je me visualise jouer en imaginant l’espace que j’aurai, en anticipant ce qui pourraient me parasiter (comme quelqu’un entrant inopinément dans la salle d’audition). Attention à ne pas tomber dans l’over-thinking non plus (qui est d’ailleurs une manifestation du trac), mais n’hésitez pas au moment de votre coucher ou dans le métro à visualiser très posément l’intégralité de votre mise en scène dans le contexte/décor auquel vous serez confronté. Et lorsque le jour-j arrivera le contexte vous semblera beaucoup plus familier, vous performerez alors avec plus de lucidité et de sang-froid.
No stress, no gain ! (ça non plus ça veut pas dire grand chose, mais c’est assez cool comme signature de fin d’article)